mercredi 28 octobre 2015

Le "animal hoarding", une terrible réalité

Syndrome de Noé ou « animal hoarding » : cette collectionnite d’un genre un peu particulier désigne l’accumulation d’êtres vivants. Régulièrement, les journaux relatent des affaires de maltraitances animales graves qui relèvent de cette pathologie mentale. Gros plan.

Des dizaines de chiens ou de chats entassés dans des deux-pièces, dans la plus totale insalubrité. Des lapins, des cochons d’Inde, des canards ou des serpents en trop grand nombre, dans le noir d’une cave ou la crasse d’une maison pestilentielle. Lorsque les associations ou les autorités interviennent, il est souvent trop tard : parfois alertés par des voisins, les enquêteurs découvrent des logements dévastés. Et des animaux en très grande souffrance.

Une maltraitance passive

Le schéma de ces affaires varie peu : les propriétaires ne voulaient que le bien de leurs animaux, ils ont été emportés par leur passion, ils n’ont pas su dire non. Manque d’argent, détérioration des habitations, bientôt la situation leur a échappé, s’est retrouvée hors contrôle. Ils étaient dépressifs, ne se sont pas rendu compte. A l’instar des personnes souffrant d’addiction, ils sont dans le déni, pensant « que tout est parfaitement normal ». Ils ont 50 chats ? Peut-être, mais personne ne peut les aimer autant qu’eux. Et peu importe si leurs chats sont stressés, malades, mourants…

Ce qui compte dans cette affection, ce n’est pas tant le nombre d’animaux détenus que la capacité du « propriétaire » à les soigner tous convenablement. Une personne atteinte du syndrome de Noé ne peut tout simplement pas subvenir aux besoins (physiques et psychiques) de ses animaux. Elle s’isole, se replie sur son univers. Sa collectionnite peut fonctionner un temps, puis un grain de sable vient gripper la mécanique, et tout s’effrite. Dépassé, débordé, le malade s’enfonce, entraînant ses animaux dans sa chute.

D’effroyables affaires vécues…

Quelques affaires vécues me reviennent en mémoire, du temps où j’intervenais sur le terrain avec Le Refuge de l’arche de Noé, association de protection des animaux de rente basée dans le Bas-Rhin, près de Strasbourg. La toute première nous a emmenés dans les Vosges, dans un tout petit village où « sévissait » une dame âgée, d’origine allemande. L’association avait été prévenue par des chasseurs du secteur, qui s’inquiétaient de trouver des cadavres de chevaux dans la forêt. Des carcasses d’équidés enterrées dans l’épais fumier, des chiens infestés de parasites au point que l’un d’eux avait dû être euthanasié, des animaux ensauvagés, qu’il avait été bien difficile d’attraper et de transporter : sur place, la situation était terrible. En Allemagne, cette « Cruella des Vosges », comme elle allait être surnommée lors de son procès, n’avait plus l’autorisation de posséder le moindre animal de compagnie, fût-il poisson rouge. Elle avait donc franchi la frontière, et poursuivait ses funestes activités en France.

A bien d’autres reprises, par la suite, Le Refuge de l’Arche de Noé a été confronté à des situations similaires. Comme cet aviculteur que la mort de sa maman avait fait « dérailler »… Nous avons sorti les cadavres de lapins et de volailles sur des brouettes, par dizaines. Les rescapés ont été rapatriés dans les locaux de l’Arche, soignés puis placés en familles. Ces « entassements » d’animaux, au mépris de la loi, de la logique, de tout bon sens, sont finalement assez courants. L’on s’en aperçoit vite quand on commence à s’implique dans la protection animale.

Les « animal hoarders » : quel profil ?

D’après une étude menée au Québec par les services sociaux et de santé, le profil des personnes souffrant d’animal hoarding serait le suivant : à 75% des femmes, seules, possédant en moyenne 39 animaux. Les espèces concernées seraient à 81% les chats, à 55% les chiens, à 17% les oiseaux, les petits mammifères, bétail, chevaux et reptiles se partageant le reste*. Pour certains auteurs, il s’agirait d’une forme de TOC (troubles obsessionnels compulsifs), lesquels toucheraient environ 2% de la population. S’il ne s’agit évidemment pas d’un problème majeur de santé publique, le « syndrome d’hébergement d’innombrables animaux» (tel que nommé en Belgique) n’en reste pas moins une terrible réalité, dont il faut parler quand on aime les animaux et qu’on se soucie de leur bien-être.

Marie Perrin

 


 

Pour aller plus loin :

ð  Une vidéo, dans laquelle un bénévole de la SPA pointe fort justement du doigt les carences psychologiques subies par des chiots nés dans de telles conditions…


ð  Une vidéo réalisée par la SPA de Besançon :


ð  Une autre vidéo, d’un couple qui « collectionne » les chats :


ð  Un article paru dans le «Huffington Post» :


ð  Un article d’«Ouest France» sur le syndrome de Diogène, apparenté au syndrome de Noé mais concernant les objets :


ð  Enfin, un numéro de Xenius, l’émission d’Arte, consacré à la syllogomanie :


 

 

 

 

 

 

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