mardi 6 octobre 2015

L’apprentissage vicariant selon Ambra

Vous ai-je déjà parlé d’Ambra ? Non ? Alors il faut absolument que je vous la présente, car elle est le principal sujet de mon présent article : l’apprentissage vicariant, ou apprentissage par observation et imitation*.
 
Ambra est une petite femelle de race chien-loup tchécoslovaque  que j’ai adoptée il y a bientôt deux ans. Un jeudi de décembre, le 18 pour être précise, ma meilleure amie et moi-même sommes parties tôt le matin en direction du Nord de la France. Nous avons roulé de longues heures dans un épais brouillard jusqu’à la campagne ardennaise, où nous attendait Ambra, retraitée d’élevage de sept ans. Petite femelle abîmée par la vie, pour laquelle j’avais eu deux semaines plus tôt une sorte de coup de foudre… 
Ambra n’avait pas eu une existence facile. Elle n’avait pas connu grand-chose hormis les box et les chenils, elle n’était pas en très bon état, ni en très bonne santé, et surtout elle présentait un fort potentiel agressif envers ses congénères. Il se trouve que les conduites agressives canine, je m’en fiche un peu. Séparer définitivement des chiens qui ne s’entendent pas (avec toute la logistique que cela implique), gérer d’éventuels conflits, ça ne me fait pas peur et surtout, ça ne me dérange pas.
Ambra est donc entrée dans ma vie. Et dès le début, je me suis promis qu’avec elle, ce serait « no conditionnement ». Ambra allait rester telle qu’en elle-même : une sauvageonne ! Comme on me l’avait décrite très agressive, et qu’effectivement j’avais constaté qu’elle avait la colère (et surtout la peur) facile, immédiatement sur la défensive, j’ai attendu avant de la mettre au contact de congénères. Quand j’allais au club canin le dimanche matin et le lundi soir, elle restait dans le camion. Tranquillement installée dans sa boîte de transport, elle regardait attentivement tout ce qui se passait sur le terrain, n’en perdant pas une miette… Des jeux, des interactions positives, des courses-poursuites, des rapports de force, parfois des ajustements « virils » et des conflits. Quelques bagarres aussi, évidemment, mais sans commune mesure avec celles qu’elle avait connues les sept premières années.
Rien de menaçant ni de dangereux…
Peu à peu, Ambra a pu se rendre compte que sur ce terrain, tout se passait globalement bien, malgré le nombre de chiens lâchés en même temps, de 20 à 35 selon les dimanches, de toutes tailles, tous âges, toutes races. Elle a vu que les chiens entre eux, loin de ce qu’elle avait jusqu’alors expérimenté, nouaient des relations pacifiques et ludiques, qu’ils s’adonnaient à des explications parfois, mais jamais jusqu’à l’ultime limite. Rien de menaçant ni de dangereux en somme.
 
Crédit photo : Hervé VEES
 
Et c’est ainsi qu’un jour, après l’avoir progressivement mise au contact de chiens équilibrés, après avoir constaté que tout se passait bien, qu’elle communiquait bien et ne cherchait pas à tout prix les rapports de force, Ambra a eu droit au grand bain : un lâcher collectif ! Vous pourrez regarder la vidéo de cette première fois (en fin d’article), elle parle d’elle-même… Je suis absolument convaincue que rien n’aurait été possible sans ces semaines, ces mois d’observation, depuis son antre protectrice, des autres chiens jouant, courant, travaillant ensemble, sans heurts.
Au petit jeu de l’apprentissage vicariant, Ambra est très douée
J’ai découvert par la suite qu’au petit jeu de l’apprentissage vicariant, Ambra était extrêmement douée. Ainsi, un soir, lors d’une séance privée, j’ai (comme cela m’arrive souvent), pris Ambra avec moi sur le terrain, à la laisse, pour expliquer à nos clients comment fonctionne, en pratique, le contre-conditionnement d’un chien réactif. A un moment, les propriétaires ont demandé à leur chien de s’asseoir. Et ô surprise, Ambra s’est elle aussi assise ! Je précise que je ne le lui ai jamais appris ! Elle avait simplement regardé les autres chiens travailler, dimanche après dimanche, lundi après lundi… Depuis, je vais de découverte en découverte. Ambra s’assied paisiblement quand mes autres chiens-loups se mettent assis en silence, attendant que je leur ouvre la porte du chenil (et Dieu sait qu’Ambra est remuante et bruyante !) Elle sait ouvrir la porte d’entrée depuis que Namasté, mon saarloos, le lui a montré. Et elle cueille les mûres dans le jardin, après m’avoir très attentivement regardée récolter les premiers fruits… Moralité : nous n’avons pas mangé de mûres cette année, elles ont toutes fini dans son estomac de barfeuse avertie !
Je me demande quelle sera la prochaine surprise d’Ambra… Ce qui est certain, c’est que je l’emmène en promenade seule, sans Namasté ni Véda : j’ai bien trop peur qu’elle ne découvre, au contact de mes deux prédateurs, que les lapins, les chevreuils ou les cygnes, qui n’éveillent pour l’instant chez elle qu'un intérêt modéré, sont en réalité de super chouettes proies, et qu’il pourrait être vraiment très rigolo de leur courir après en espérant un festin de gibier ! Je sais maintenant à quel point Ambra est douée pour apprendre par observation et imitation, ce qui m’incite à la plus extrême prudence !
Marie Perrin
* L’apprentissage vicariant, ou apprentissage social, postule qu’à côté de l’apprentissage direct, par expérimentation, existe une autre forme d’apprentissage, qui résulte de l’observation des congénères, de leurs actions et des conséquences de ces actions.
 
Une vidéo du premier lâcher collectif d'Ambra. Un grand merci à Raymond Fuchs pour cette magnifique vidéo...

2 commentaires:

  1. J'aime laisser les chiens choisir leurs apprentissages !! Merci Marie pour ces observations !!

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  2. Un exemple d'apprentissage vicariant, qui m'a surprise (et bien fait rigoler!) :
    Dyna a pour habitude de souvent choisir l'itinéraire de nos promenades dans le village. Pour çà, arrivée à une intersection, elle se positionne dans la direction où elle veut aller, s'immobilise et chouine. De temps à autre, nous cédons et partons dans la direction qu'elle convoite.
    For Ever, qui se balade toujours avec Dyna, a pu observer ce manège un grand nombre de fois durant les quatre dernières années.
    Mais il a toujours été très discipliné quel que soit la direction qu'on ait choisie.
    Mais, depuis à peu près un mois, c'est lui qui des fois de sa propre initiative, arrivé à une intersection, s'arrête et se tourne vers là où lui voudrait aller....

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