samedi 23 novembre 2013

Réussir son binôme maître-chien

Nombre de binômes maître-chien sont mal assortis. Une erreur qui peut avoir des conséquences catastrophiques : difficultés relationnelles, troubles comportementaux et parfois, au bout, un abandon, voire une euthanasie en cas de conduites agressives. On ne le répètera jamais assez : un animal n’est pas un objet, n’en déplaise au législateur, et l’adoption d’un chien doit être un acte réfléchi. Mais quelles questions se poser pour faire le bon choix ?
 
Tout d’abord, il faut avoir conscience qu’en moyenne, nos chiens de compagnie ont une espérance de vie d’une dizaine d’années, moins pour les races géantes, beaucoup plus pour certaines petites races (ou petits croisés). Durant cette décennie, il vous faudra promener votre chien, malgré la pluie, la nuit et le vent, le défouler, lui consacrer du temps, l’éduquer aussi, et évidemment penser aux vacances (l’emmener avec soi ? trouver un mode de garde adapté ?) : autant de contraintes que vous devez absolument prendre en considération. Si vous passez 60 heures par semaine au travail, que vous êtes toujours entre deux trains ou deux avions, que vous n’aimez rien tant que lire votre journal devant la télé ou que vous détestez les activités nature, abandonnez tout de suite l’idée de prendre un chien…
 
Deuxième étape : vous pensez avoir toutes les qualités requises pour accueillir un chien chez vous. Vous êtes tonique, aimez vous promener, travaillez à domicile ou, au moins, avez la possibilité de rentrer à la pause déjeuner bref, tout semble se conjuguer favorablement. Mais voilà, ce serait votre tout premier chien… est-ce rédhibitoire ? Eh bien non, à condition, évidemment, de vous informer préalablement. Le chien nous est si familier que chacun pense savoir ce qu’il est, comment s’en occuper, le dresser, vivre avec lui. Et bien souvent, toutes ces croyances populaires sont à mille lieues de la réalité éthologique de l’animal. Donc finalement, votre prétendue « incompétence » en la matière est peut-être votre principal atout ! N’hésitez pas à faire appel à un comportementaliste, qui vous délivrera quelques conseils pour partir du bon pas, et de la bonne patte dans votre vie à deux ! Un peu de lecture – le même comportementaliste pourra vous fournir une petite bibliographie -, et le tour sera joué !
 
Vient ensuite le moment du choix de son animal. L’important, que l’on opte pour un chien de race ou pour un bâtard, pour un chiot d’élevage ou pour un chien de refuge, c’est de s’assurer que votre mode de vie s’adaptera au tempérament de votre futur compagnon. Attention, car contrairement aux idées reçus, la taille ne fait pas tout : un Jack Russel, race ô combien prisée, notamment dans les grandes agglomérations urbaines, est infiniment plus tonique qu’un dogue allemand ! Prenez le temps de vous renseigner sur les besoins des races qui vous plaisent et évitez de ne craquer que sur certains détails physiques – chien à la mode, couleur des yeux, apparence générale. Vous aimeriez bien un braque de Weimar, mais vous habitez en centre-ville, ne goûtez pas les sports canins et adorez les chiens plutôt tranquilles ? Vous risquez de faire son malheur… et le vôtre par la même occasion ! Les comportementalistes le savent bien, qui interviennent si souvent auprès de propriétaires de borders collies débordés…
 
Si vous choisissez d’adopter votre chien dans un refuge, faites tout simplement confiance aux bénévoles qui s’occupent de lui : eux seuls, ainsi que les professionnels qui ont soigné et évalué l’animal, peuvent vous apporter les réponses adaptées. Ils connaissent le profil émotionnel, les qualités et capacités, les niveaux individuels d’énergie des chiens qu’ils accueillent. S’ils vous conseillent un animal, laissez-vous guider…
 
Enfin, si vous décidez d’acquérir un chiot, de race ou pas, faites bien attention à l’endroit où vous le cherchez. Ainsi, si vous habitez en rase campagne, évitez de choisir un chiot qui aurait grandi en ville, dans un milieu extrêmement stimulant. L’inverse est vrai, évidemment, mais vous vous en apercevrez plus vite : un chiot qui a grandi loin de tout, dont on a négligé la familiarisation, souffrira le martyre (et ses maîtres avec !) lorsqu'il sera immergé dans un environnement urbain. Il aura peur de tout, semblera incapable de s’adapter à la moindre nouveauté, sera hautement stressé. Renseignez-vous aussi sur le tempérament des parents de votre futur chiot et n’hésitez pas à vous fier à ce que votre instinct vous souffle.
 
Et dans tous les cas, au moindre doute, à la moindre anicroche, à la moindre difficulté, n’hésitez surtout pas à vous faire aider : des éducateurs et comportementalistes compétents sont là pour répondre à vos interrogations, quelles qu'elles soient…

 
Marie Perrin





mardi 19 novembre 2013

Les signaux d'apaisement : une grammaire efficace

Educatrice de renommée internationale, fondatrice de l’école des chiots norvégienne, Turid Rugaas a voué sa vie aux chiens et à leur bien-être. Elle les a regardés vivre et interagir, a essayé de les comprendre. Durant plus de dix ans, elle a notamment analysé le langage corporel du chien et ses recherches sur les signaux d’apaisement sont aujourd’hui mondialement connues.
 
Les chiens possèderaient un répertoire d’environ trente signes, peut-être plus. Les uns servent à s’apaiser soi, d’autres à apaiser l’autre. Tous les chiens n’utilisent pas tous ces signaux : certains individus ont un vocabulaire plus riche que d’autres. Ils les utilisent entre eux, pour communiquer avec leurs congénères, mais aussi avec les êtres humains, lesquels malheureusement ne les comprennent pas toujours.
 
Or lorsqu’on ne prend jamais en compte les signaux émis par le chien, on court le risque de le voir développer des troubles du comportement, des conduites agressives, de la nervosité ou du stress. C’est pourquoi il semble important de parler de ces signaux et de former les gens à les reconnaître et à les respecter.
 
 
 
En cours d’éducation, un chien qui s’ébroue, se gratte, bâille ou se met soudain dos tourné se fait généralement rabrouer et vertement tancer. Il ne fait que notifier son inconfort, mais les humains le soupçonnent aussitôt d’indiscipline, de désobéissance, voire de rébellion… et le houspillent !
 
Quel apprentissage ce chien fait-il ainsi ? Tout simplement que ses signaux, socle d’une vie sociale harmonieuse, ne servent à rien dans un monde d’humains. Un facteur de stress intense, évidemment. Et un coup de canif de plus dans la communication interspécifique, déjà bien malmenée par les incroyables exigences que nous faisons peser sur nos chiens... Et par l’incroyable anthropocentrisme dont nous faisons preuve en permanence, incapables de nous adapter à la spécificité de l’autre, du différent.
 
Quels sont ces signaux ?
 
Bâiller, se lécher, tourner le dos ou la tête, s’arcbouter (posture de salut ou d’appel au jeu), renifler le sol, marcher lentement ou en arc de cercle, se figer, s’asseoir ou lever une patte, « sourire », remuer la queue, coller les oreilles sur le crâne, s’allonger ventre contre terre, se lécher les babines, uriner sous soi, s’ébrouer : autant de signaux très clairs entre chiens, qui peuvent se combiner entre eux pour former toute une grammaire du « bien vivre ensemble ». Les chiens ne s’y trompent pas, il n’y a que nous pour n’y rien comprendre!
 
Et pourtant, à force d’entraînement, l’on se rend compte que certains signaux sont très aisés à reconnaître. L’on peut même, ensuite, en utiliser certains soi-même pour apaiser son chien, ou un chien inconnu. Tourner la tête face à un chien, avancer lentement ou en arc de cercle, se faire plus petit : autant de possibilités pour lui signifier que nos intentions sont pacifiques. 
 
Certains auteurs préconisent ainsi d’utiliser les positionnements pour apaiser son chien lorsqu’il manifeste de l’anxiété : ainsi, en cas de peur d’un événement donné, se mettre dos au « danger » (perçu comme tel par le chien) mais face au chien. Ceci a valeur anxiolytique et a souvent pour effet de faire immédiatement baisser la tension de l’animal.
 
Un vrai langage corporel
 
Evidemment, tout ceci n’a pas valeur scientifique : les conclusions de Turid Rugaas n’ont jamais été validées dans des laboratoires d’éthologie. Néanmoins, même s’il s’avérait que le terme « apaisement » n’est pas approprié, tous ces signaux n’en demeurent pas moins un vrai langage corporel, émis par les chiens pour signifier leurs intentions, leur inconfort, bref éviter de rentrer en conflit…
 
Et si d’aucuns, dans la cynophilie française, se gaussent de l’intérêt que nous pouvons porter à leur décryptage, et du soin que nous mettons à les respecter, qu’importe ! Nos chiens, eux, nous montrent tous les jours, par leur quiétude et sérénité, que nous sommes indubitablement dans le vrai…
 
Marie Perrin