jeudi 3 octobre 2013

Le chien est-il un animal territorial ?


Un chien qui aboie quand un intrus entre dans la propriété défend-il son territoire ? En marque-t-il les limites à chaque fois qu’il laisse son odeur en promenade ? Les spécialistes peinent à se mettre d’accord, et les avis sur la question divergent. Ce qui n’empêche pas, évidemment, de s’y intéresser afin de tenter d’y voir un peu plus clair.

La notion de territoire chez le chien domestique divise les éthologues. Ainsi, si pour certains scientifiques, le chien est forcément un animal territorial, pour d’autres cette apparente évidence n’a pas été démontrée, et une analyse plus rigoureuse tendrait à démontrer qu’il n’en est en fait rien.

Car en réalité, le chien domestique est peu étudié en éthologie. Les scientifiques lui reprochent précisément d’être familier de l’être humain,  donc en quelque sorte « dénaturé ». Mais les chiens marron ou parias n’ont guère été plus observés. L’unique littérature bien documentée porte donc sur les meutes de loups. Malheureusement, le chien qui vit à nos côtés n’a plus rien d’un loup - en a-t-il même un jour été un ? 

Un terme polysémique

Par ailleurs, le terme même de « territoire » est polysémique : sa définition varie selon la discipline qui l’étudie. Lorsque nous parlons du « territoire » d’un chien de compagnie, que disons-nous en réalité ? De quel « territoire » parlons-nous ?

Le Larousse le décrit comme un « espace relativement bien délimité que quelqu'un s'attribue et sur lequel il veut garder toute son autorité ». Si l’on suit cette définition, le chien peut être perçu comme un animal territorial, certains chiens étant très sourcilleux avec cet espace. Aussitôt, surgit une autre question : s’agit-il réellement du territoire du chien ? Le chien, par apprentissage et conditionnement, ne se contente-t-il pas de faire sienne la propriété humaine ? Plutôt que de parler de territoire, ne devrions-nous pas parler de ressource ? Envisager la maison (l’appartement) et le bout de jardin comme une ressource parmi d’autres ?

Allons plus loin... en éthologie, le territoire est  un espace où l’individu (ou le groupe) refuse l’intrusion d’un individu de la même espèce (ou parfois seulement de la même espèce et du même sexe). Il  induit du marquage, de la défense, des comportements agressifs[]. L’important, ce qu’on doit retenir et souligner, c’est que ce territoire est intrinsèquement lié à l’espèce. Un lion va chasser de son territoire tous les lions étrangers, et marquer les limites de son espace pour leur indiquer qu’ils entrent en zone réservée. En revanche, les individus des autres espèces (humains, oiseaux, loups, peu importe) ne seront pas en aucun cas concernés par cette exclusion.

Partant de là, le chien familier devrait défendre son territoire contre les congénères, mais en aucun cas contre les chats ou les facteurs. De la même façon, un territoire qui aurait été délimité par un chien devrait être contourné par les autres chiens, sous peine de se transformer en déclaration de guerre. Ce qui n’est, convenons-en, pas le cas du tout. La plupart du temps, nos chiens se contentent de renifler les dépôts de leurs congénères, d’y apposer (ou pas) leur odeur, avant de poursuivre tranquillement leur petit bonhomme de chemin. Rappelons-le, uriner ou déféquer sont des actes de communication : le chien dépose à l’intention des autres chiens des informations sur son statut social et hormonal, son état de santé, son âge…

La notion de territoire, un fourre-tout bien pratique

Par conformisme, par habitude, parce que c’est ainsi que, depuis des décennies, l’on décrit le chien domestique, nombre de « spécialistes » continuent pourtant à parler de la territorialité du chien. C’est vrai qu’il est bien pratique de parler de marquage ou de défense de territoire lorsqu’on ne sait pas comment décrypter des comportements problématiques. Votre chien est agressif ? C’est parce qu’il est territorial – territorialité, dominance et agressivité allant souvent de pair dans l’inconscient collectif. Votre chien urine dans la maison ? C’est parce qu’il marque son territoire. Et ainsi de suite…

Pourtant, aussi bien l’agressivité que les malpropretés peuvent avoir de multiples causes. Ainsi, lorsqu’un chien urine dans la maison, il veut avant tout faire passer un message. Par ce biais, il peut exprimer son malaise, son mal-être, son incompréhension. Chien anxieux qui se rassure. Chien leader qui réaffirme ses prérogatives. Il fait pipi certes, parfois ostensiblement, mais il pourrait tout aussi bien mâchonner les pantoufles, détruire le canapé, gratter la porte d’entrée ou mettre la cuisine à sac. Avant de parler de territorialité, demandons-nous ce qui, dans la vie de ce chien précisément, dysfonctionne et pose problème.

Enfin, certains spécialistes émettent une hypothèse fort intéressante : certains chiens baliseraient leur chemin en promenade... Petits Poucets du monde canin, ils sèmeraient ainsi autant de petits cailloux odorants leur indiquant la voie à suivre pour réussir à rentrer à la maison...

 
Marie Perrin

 

 

 

 

 

 

 

 

1 commentaire:

  1. Je viens de découvrir votre blog, merci pour tous vos conseils judicieux.

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